gobelet

Je mange mon blanc de poulet froid avec les doigts, et je le trempe allégrement dans la mayonnaise. Maman me regarde, dégoutée, et quand je commence à chantonner, elle a l’air de celle qui voudrait être ailleurs. Elle range la cuisine en parlant toute seule, et de ce que je comprends il est question de mon incompétence à avoir les pieds sur terre et de mes diverses sorties avec j. Mon oreille droite est complètement bouchée, ce qui fait que quand elle me parle, j’ai l’impression d’être au fond d’un puits avec Tamara qui me tient compagnie, les cheveux noirs en moins. En d’autres circonstances, un bouchon de cérumen géant m’aurait été d’une aide précieuse, et m’aurait par exemple évité d’entendre que mon arrière grand-mère était une pauvre conne méchante et bornée, que mon père me prenait pour une fille de mauvais goût et de petite vertu, et que la petite souris n’existait pas. Le château de dents de lait s’est cassé la gueule depuis longtemps, et quand je relève la tête, manquant de faire exploser mes sinus ethmoïdaux, les lèvres de maman s’agitent sans relâche dans un silence religieux.

Lundi 26 avril 2010 à 19:41

L’après-midi de juin a laissé place à la nuit glaciale depuis déjà longtemps, et on est assis devant son portail, lui la tête dans les bras refusant de mettre son sweat, et moi essayant de le raisonner en esquivant ses coups. Le voisin débonnaire et ventripotent est sorti il y a une demi heure, attiré par mes braillements, et m’a dit tranquillement, il va prendre froid votre ami. Après l’avoir envoyé chez les sodomites voir si j'en avais quelque chose à foutre, je reprend ma logorrhée dans laquelle il est question je crois de fulgurante sottise et de problèmes pathologiques à éprouver une quelconque empathie. Mes phrases sont dénuées de sens, mais le whisky aidant, je tente quand même de les assembler en agréable plaidoyer.  Ses traits déformés par la colère n'ont désormais plus rien d'humain. Ivre mort, on a toujours raison mais rarement le mot pour plaire.
son canapé est curieusement confortable, et le matin me voit partir, mon odeur et ma salive incrustées au plus profond de ses coussins bleu marine.
 

Jeudi 8 avril 2010 à 20:54

Chercher la différence entre un soliloque et un monologue, et choisir entre avoir des dents en mousse ou des cheveux en barbe à papa. Les dents en mousse sont jaunes, comme les frites pour les mômes à la piscine municipale. Le calvaire des gamins en 6ème en voyant le planning d’Education Physique et Sportive: « deuxième trimestre: piscine ». Sous ces trois petits mots on devinait de pauvres préadolescents en maillots kitsch trop petits ou trop grands, le front tiré par des bonnets de bain fluorescents et les pieds emmaillotés dans des chaussons anti verrues. Le ventre ballon des africains en malnutrition et des nouveaux nés. Je me souviens de ce garçon, richard, qui ne savait pas nager, et qui avait toujours le nez qui coulait, continuellement. Il se mouchait dans l’eau chlorée, et sa morve verte flottait à la surface jusqu’aux conduits sur les rebords du bassin. Ces images me revenant en tête, je choisis les cheveux en barbe à papa. À l’heure où les habitués du PMU rejoignent leur bout de zinc, je m’endors sur son épaule.

Dimanche 4 avril 2010 à 23:31

ma chambre est aussi vide que les bouteilles de blanc au pied de mon lit.

Lundi 29 mars 2010 à 19:01

La fille qu'est à côté de moi a des yeux assez dérangeants, du genre bleu à te noyer dedans, avec un pull marine ou quoi, comme dirait l'autre salope. Elle refuse de boire le martini que je lui tends, alors d'un coup, sa présence me devient insupportable. Je me dis qu'il faudrait que j'arrête de détester les gens qui me refusent quelque chose, et dans ma tête je revois j. dans la voiture, qui répète pour la vingtième fois en cinq minutes: eh devant, tu veux du rosé? pourquoi t'en veux pas? eh il m'aime pas il veut pas boire! c'est quoi ton nom au fait? et ton chien, c'est à qui? c'est quoi son nom? 
Du coup ma mémoire rit un peu, et avant un léger haussement d'épaules mental, je renverse -sans le faire exprès- du martini sur ses bottines vernies. Autour de moi ça parle première fois, amour et autres conneries. c. & j. en sont à leur énième conversation sur le pourquoi du comment ils ne sont plus ensemble et s'ils sont finalement heureux comme ça. Je sais qu'ils finiront de toute façon par se resauter dessus, et ai envie de leur crier à quoi bon, buvez un coup et remettez le couvert maintenant, dans l'herbe, devant les connards qui sortent de cours et les petits malins qui s'envoient de la bière forte en grimaçant à chaque goulée. Ils ont cette étrange manière de se regarder en souriant des yeux, sans paraître s'en lasser. c. me demande où j'aimerai être en ce moment au lieu d'être postée en plein vent par principe, juste parce que le ciel est bleu et que le soleil illumine un peu le qg. J'ai bien envie de lui répondre une niaiserie, mais je me retiens et me contente de vider le contenu de la cannette noire dans ma gorge, avant de me barrer sans dire au revoir.
Il y a deux ans, au même endroit, on essaye de faire un feu sous la pluie, et l. me dit: qu'est-ce que t'as l'air conne quand t'es bourrée.

Vendredi 5 mars 2010 à 18:33

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