gobelet

C'était au Mans et l'estafette venait de nous déposer à la gare. On n'avait pas de sous. Enfin, assez pour un pack au franprix mais certainement pas pour le train.  adrien dormait, et nous on attendait le train quand même, et on avait ces conversations stupides sur Bill Clinton qui n'avait pas eu de relations sexuelles avec cette femme dont on ne se rappelait plus du nom.  Le mec qui nous a sauvées du trou noir avait des lunettes, et m'a balancé « c'est Lewinsky » comme si ça coulait de source, mais nous, on l'aurait embrassé. C'était à Rennes, il faisait chaud, froid, c'était en octobre ou novembre, peu importe, on était accroupies dans une cour très jolie, elle était pavée, privée, et les poubelles étaient sorties. La dame aussi est sortie, à la fenêtre juste au dessus de nous. « non mais vous vous croyez où ? » qu'elle a hurlé. Bah, à Rennes ? on est parties et notre rire lui a ricoché à la gueule. C'était à Plaudren, il était dix-huit heures et un type avec une tête de fou criait à qui voulait bien l'entendre qu'il avait six points de suture, juste là, sur le front, tu vois ? il souriait aux gens, aux chiens, aux sacs poubelles, et même à moi. Je me suis endormie dix minutes, et quand je me suis réveillée, il faisait nuit.

« c'est pas grave on est à Caen ! ». C'est ce que v. me dit un an plus tard quand je tente de baisser le son. Il est quatre heures du matin, mais puisqu'on est à Caen, les voisins s'en foutent. Ces mêmes voisins qui ont appelé la flicaille à 23h le soir de la pendaison de crémaillère. Mais danser la valse sur la bande originale de pocahontas, pour lui, ça vaut bien une amende carabinée pour nuisance sonore. Alors je me marre, au moins autant qu'eux quand ils m'appellent la parisienne. Complètement euphorique, je laisse la troupe piocher avidement dans mes miettes de tabac, et ils me regardent sans comprendre qu'un week-end chez eux, c'est leur quotidien, mais c'est mes vacances.

Lundi 28 mars 2011 à 20:12

 Cette femme, je ne l'avais même pas vue venir. j'étais bien trop occupée à scruter le vieux assis par terre, celui qui tête sa bouteille de pinard avec le même vide dans les yeux que celui d'un enfant mort né. alors quand cette quadra est arrivée, elle a envahi mon champ de vision comme une image subliminale. et pour le coup, je ne m'attendais franchement pas à ce qu'elle sorte deux sandwiches d'un sac monop' usé pour les donner au vieux bébé. Donner est un bien grand mot, puisque quand je décrirai la scène à j. le soir même, je dirai « je te jure, elle voulait faire exploser les sandwiches par terre ». fascinée de voir tout le mépris que l'on peut mettre dans une « bonne action », j'en oublie presque le vent de la fin févier. Parce qu'à vouloir à tout prix que le printemps arrive, à tenter d'influer sur la température extérieure en sortant sans manteau, il n'est pas étonnant de ressentir les sept petits degrés parisiens comme un froid arctique. Et en fait, ce qui me fait le plus mal à ce moment précis, ce n'est pas le regard reconnaissant de l'ivrogne, ni le « de rien » pincé de sa bienfaitrice, mais c'est de réaliser que la raison pour laquelle j'aime assister à ce genre de rencontres, c'est parce qu'elles sont une anecdote de plus à raconter à j. en rentrant. 

Mardi 1er mars 2011 à 21:40

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