gobelet

on boit du vin, mais on n’a même pas encore l’âge légal pour s’offrir de la smirnoff ice, alors pour faire bonne figure, on a acheté trois sachets de dragibus. assis comme deux cons devant la vitrine d'antiquaire, on passerait facilement pour des épaves, mais l’accoutrement du bonhomme crie « bourgeois » au moins aussi fort que mes yeux crient « braguette », alors on nous laisse nous murger dans une tranquillité relative. des années plus tard, l’adolescente attardée en moi se persuade que son silence radio vient soit de son enlèvement par un groupuscule terroriste, soit de sa mort lors d’une randonnée en amérique latine.
alors quand lors d’une recherche délibérément hasardeuse, je découvre qu’il y a assez de vie en lui pour lui permettre de poster des vidéos de chats sur l’internet, j’ai un choc au moins aussi violent que quand un anonyme en devenir me rappelle que cinq ans plus tôt je lui racontais mes frasques libertines dans le détail. la vérité a un goût d’anachronisme.

Mercredi 29 janvier 2014 à 16:20

c’est sorti tout seul, entre les huitres et le chapon : « j’ai acheté deux/trois bouteilles au salon des vignerons la semaine dernière ! ». j’ose partager avec le sourire le souvenir d’une journée grisante, les bretelles de quelqu’un que j’aime bien, le chinon qu’on achète par caisses, et les vapeurs d’alcool qui me font m’endormir sur le trajet du retour.

le visage de maman se ferme quand je lui explique le ferry pour aller sur l’île de Skye et le nombre de kilomètres pour rejoindre nessie. la lettre qu’elle me tend démontre par a + b qu’on a touché le fond. celui qui il y a un mois à peine se moquait gentiment de mon intérêt pour le terroir français taxe aujourd’hui mes pérégrinations dominicales d’investissements œnologiques qu’il espère ne pas avoir financé sans le savoir. l’envie de lui envoyer ma fiche de paye et mon relevé de compte à la gueule me passe vite, à peu près au moment où je me revois  chanter le h.l.m à tue-tête du haut de mon mètre trente dans une maison de location à soulac. je sais pas si à cette époque là on était heureux, mais ça y ressemblait presque. joyeux noël.

Vendredi 24 janvier 2014 à 14:28

la peau rouge & les yeux brillants, on a acté que si une voiture nous prenait dans les cinq minutes avec la touche qu’on se payait, on était cap. alors quand le 4x4 s’est arrêté cinq secondes après que nos pouces se soient levés, on a pris ça pour un signe. le destin et quatre vacanciers un peu trop beaufs en ayant décidé ainsi, on est parties pour st jean en laissant la tente aux nez bouchés qui nous servaient de copines. les plages du pays basque sont infestées de pré adolescents en chaleur qui étalent la richesse et les opinions politiques de leurs parents sur le sable mouillé. & puis il y a cette fille, qui ressemble à s’y méprendre à une mst. on se rappelle plus vraiment d’où on a bien pu la choper, mais on a un mal fou à s’en débarrasser. pendant qu’on joue à la marelle, triplant par là le risque de nous péter deux ou trois chevilles, elle se lance dans un simili flirt avec une paire d’espadrilles. deux heures plus tard, la cagole en puissance est proche du coma, et ça nous arrange pas mal ; ca lui évite de nous raconter le nombre de dents de lait qu’il lui reste à perdre. trois kilomètres et six pauses clopes plus loin, on pose enfin notre cul alcoolisé sur un matelas dégonflé avec l’impression dégueulasse d’être passées à un marcel du mauvais goût.

sur l’autoroute du retour, la joie de s’éloigner des morveux lubriques n’empêche pas de rendre intolérable le retour à la vie réelle. alors après une heure à ranger les albums devant des dégénérés qui changent la couche de leur moutard sur ma table d’exposition, ma plus grosse récompense c’est ce gamin qui lit une histoire à son petit frère.

Mercredi 22 janvier 2014 à 1:10

à la bellevilloise, entre un accordéon et une vodka renversée, on croise le genre de bourgeoise à peine bohème qui me tire les cheveux comme si elle voulait me les arracher. c’est vrai que c’était pas très catholique de ma part de lui hurler dessus uniquement parce qu’elle subtilisait ma bière à 10 euros avec la discrétion d’un éléphant de mer. m. m’avouera quelques semaines plus tard que si elle s’était permis de s’accrocher à mes bouclettes, c’était uniquement parce qu’il lui avait assené un coup d’épaule bien senti entre les omoplates. il m’avouera aussi que le ticket 963 qu’on a cherché une demi-heure sous le regard d’une préposée au vestiaire agréable comme un frottis vaginal, il l’a retrouvé le lendemain sur le sol de son living. comme quoi, bénéficier du tarif jeune à la scnf n’empêche pas le ciboulot de déconner à pleins tubes. dans ces moments là je plaiderais bien la folie ; il est assez difficile pour les gens normaux de faire confiance à une gonzesse qui perd ses neurones alors qu’elle attaque à peine la deuxième moitié de sa vingtaine.

Jeudi 16 janvier 2014 à 18:06

en ouvrant le sachet rouge, je ne m'attendais pas à y trouver le genre de bracelets en métal que je piquais sur le marché à l'époque où j'avais encore des dents de lait plein la bouche. ce qu'il y a de bien avec les père-noël surprise, c'est qu'on a personne à haïr quand on se retrouve avec une ignominie qui pendouille au poignet.
plus tard, quand j'évite de croiser le regard de celui avec qui je dormais tous les soirs il y a encore quelques mois, la seule solution qui s'impose à moi est de fuir. un masque de cire collé sur la gueule, je repense aux ersatz de cadeaux qu'on a déballé ce midi entre le planning et la badgeuse, et une réalité me frappe. il est beaucoup plus facile de feindre le bonheur quand on ne sait pas à qui en vouloir.  

Vendredi 3 janvier 2014 à 16:08

<< A gauche | 1 | A droite >>

Créer un podcast