gobelet

 un jour, j'ai dérobé un tire bouchon guêpé dans une voiture. c'était le matin, on était à l'orée d'un bois, notre conducteur s'appelait sam, et ça me faisait rire de lui répéter en boucle que c'était drôle que ce soit lui le conducteur. lui, ça le faisait pas rire. je me souviens qu'il était peut être beau, mais son pote milou était hideux, en plus il avait un nom de chien blanc. quand j'ai pris le tire bouchon guêpé, sam venait de nous dire qu'on allait se caler dans sa voiture, et que si on voulait décoller, c'était maintenant. maintenant ça nous allait bien, il était tôt, j'avais un pull blanc ou beige, un pull de fille qui attend de revoir quelqu'un. j'ai pris le tire bouchon et on est parties. on est pas restées bien longtemps dans son appart, puisque le mec au prénom canin s'est révélé être encore plus crétin que moche. gare de l'est une heure après, on est trois à attendre mais je suis la seule à avoir l'air con, dans mon satané pull beige.
un an plus tard, j'ai perdu le tire bouchon guêpé depuis déjà longtemps et j'ai arrêté de mettre le pull beige, parce que j'ai arrêté d'attendre quelqu'un. un soir on avait fait la cuisine, e. et b. étaient venus, c'étaient peut être des lasagnes. au détour d'une bouteille, il avait ouvert un tiroir « tiens j'ai un tire bouchon là depuis un siècle je sais pas d'où il sort ». il le savait très bien, le tire bouchon était guêpé, et c'était le mien. cette nuit là j'ai gagné au trivial pursuit disney, j'ai bu trop de muscat - ou peu importe ce que c'était - j'ai écouté orelsan, je me suis endormie à minuit, et mon tire bouchon était dans mon sac. il y est resté encore six bons mois, jusqu'au jour où une bénévole bien trop zélée m'a interdit de le faire rentrer dans l'enceinte du festival. « je le garde, et je vous le rend à la sortie » avec sa gueule d'abstinente, j'aurais jamais dû lui faire confiance. parce que quatre heures plus tard, mon tire bouchon guêpé a disparu, et c'est deux euros qu'on me tend «en compensation »

le pull beige prend la poussière au fond de mon placard. 

Dimanche 30 octobre 2011 à 16:58

Je me demande comment on peut avoir un nez aussi parfait, et c’est en le regardant que je comprends enfin la signification de l’adjectif « aquilin ».  deux mecs sur des tabourets de camping semblent être sur la même longueur d’ondes, puisqu’un d’entre eux finit par dire « on forme une fine équipe pas vrai ? ».  alors avec b. on se regarde, on éclate de rire, et il me fait une œillade qui me fait mourir à l’intérieur. Et je pense qu'on est heureux.

Mercredi 19 octobre 2011 à 22:06

 Parce qu'il est évident que j'ai la gueule de quelqu'un qui peut taper un scandale, le serveur nous laisse avec plaisir nous installer à la table surmontée de deux majestueuses pancartes « réservé ». De notre banquette dérobée, on s'aperçoit vite que dans les pubs versaillais, les pakis n'ont aucun scrupule à tenter de refourguer leurs roses jusqu'aux tables collées aux lieux d'aisance. Si je ne fréquente que des individus bon public, c'est pour ne pas être seule à rire de mes blagues anachroniques, alors quand on est deux à pouffer dans nos demis devant l'étranger blasé, je sais que j'ai fait le bon choix.
Un demi coma dans le transilien plus tard, trois heures de transports ne sont pas de trop pour échapper à un samedi soir dans un appartement yvelinois soudainement rebaptisé non-fumeur. Et puis j'adore passer ma nuit sur un terrain vague, au milieu de chiens et de camés, sentir le feu et subir les « regarde-moi dans les yeux, regarde-moi dans l'âme » incessants d'un quadra sous acide. Le pervers notoire a le charisme d'une demi-molle mais l'obstination d'un impuissant, donc, à l'heure du burger, il est encore penché sur moi, essayant de me convaincre que je suis son âme sœur.
Trous dans le cerveau et chiot dans les bras, j'oublie la caricature de poivrot qui se vautre opiniatrement à mes pieds, et me contente de ramener de l'eau, du pain, du fromage et du courage à une j. sans poumons. À la gare, la machine est HS, banalité dominicale à nogent sur vernisson. Je voyage aux frais de la princesse, et ma non-conversation avec une myope sans abri me revenant à l'esprit, je réalise : je suis très sociable pour une mysanthrope.
 

Mercredi 19 octobre 2011 à 0:04

 Ce n'est pas que la fumée me dérange, c'est qu'il est seize heures dans le train pour paris, que le wagon est bondé et que des enfants y gambadent. c'est ce que j'explique aux sept idiots qui me dévisagent avec mépris quand je leur demande d'éteindre leur sèche. « non » est la seule réponse que j'obtiens, et comme elle vient d'un garçon manqué de plus de quatorze ans, je ne relève pas.
Bien plus tard mais dans un quartier aussi pourri, en quémandant des cousues à qui mieux mieux, j'apprends qu'une sèche, ça se dit aussi une dure, et j'en reste passablement sur le cul. sur le cul je l'étais déjà, à cause des dons divinatoires que j'ai développé pendant le week-end. il semblerait qu'à la courneuve, chaque prénom qui sorte de ma bouche se matérialise dans la journée en une personne en chair et en bière devant nos yeux éberlués. sous un moche temps, j. et la madame irma que je suis devenue faisons des listes, qu'on planque du mieux qu'on peut dans nos sacs maisons non-étanches. parce que le mec qui nous demande si c'est une liste de courses, il a bien la gueule de celui qui irait vérifier quand on aura le dos tourné. et notre dignité bien coincée entre une bouteille de cola crasseuse et un k-way dégoulinant, c'est à celle qui trouvera le plus vite le stand où les sandwiches sont à un euro.  évidemment, le stand, on l'a jamais trouvé, mais à la place on a fini paumées dans une maison avec jardin au fin fond du val de marne. on passe la nuit à se cogner dans les murs, dans les portes, dans les gens. on fait tout tomber. même nos rires se cassent la gueule dans les poires au sirop. le lendemain rien n'a changé, sauf peut-être le niveau d'ébriété de nos compagnons de fortune, qui eux, sont redescendus, nous proposent un p'tit fé-ca, et comme on n'en veut pas, nous font du thé. de notre côté on a retrouvé deux brauperles, et on les boit en pouffant très fort, on est comme les vieux, on ne s'entend pas. 
Nos hôtes nous jettent des regards en biais qui veulent dire « je regrette », et je comprends leurs gueules interdites avec une semaine de retard, puisque je me vois tirer la même quand au détour d'une portière s. me lance « t'es pas une chienne mais tu te fais passer pour pire »

 

 

Samedi 1er octobre 2011 à 16:41

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