gobelet

"Il faut que vous alliez au son des anglais. vraiment." avec "de toute façon, c'est pas un vrai tekos", ce doit être la phrase qui a le plus résonné à mes oreilles sur la base militaire de Laon. devant la tente, yo secoue la tête dans un mélange de mépris et de désespoir à chaque fois que j. ou moi sortons une connerie, soit une fréquence de vingt fois par minute. cela dit, comment ne pas rire quand un mec qui a clairement l'âge d'être mon père nous dit qu'il a trente-deux ans ? pour pallier à la vision d'horreur que nous offre sa dégradation physique et mentale, on envisage sérieusement de commercialiser l'orangina en cannettes de 50 cl. yo secoue la tête de plus belle, et son aphasie nous permet de chanter à tue-tête des comptines pour enfants et de nous dire qu'un mec qui te saute et qui te demande ton prénom le lendemain, c'est quand même plutôt marrant. ça fait une bouteille de Grants qu'on a perdu les homosexuels qui nous servent de chaperons, et lundi matin mon portable sera rempli de messages du type "vous êtes où?". en attendant qu'ils viennent nous chercher avec des gueules de dimanche pluvieux, on tente de rassembler ce qui nous reste de cordes vocales pour prévenir nos génitrices que nous vivons, mais comme tout ce qui leur importe est d'avoir vu un faisan en ville, la touche rouge du téléphone se trouve rapidement en contact avec notre pouce. 
une semaine plus tard, à Nemours, le son n'est pas le même qu'aux anglais et les vingt degrés à l'ombre nous tapent sur le coin de la gueule comme la canicule de 2003. alors quand yo nous jette hors de la voiture à coups de pieds et qu'il insulte les types en bleu qui font un test salivaire au conducteur, c'est bien normal que notre seule envie soit de le pendre par ses nerfs. 
 

Samedi 14 mai 2011 à 15:00

 Quand je ne suis pas en train de célébrer une fête juive au fin fond des yvelines - ou en train de me faire payer un menu big mac par une fille qui me prend vraisemblablement pour une sans abri - je pars me faire entretenir à versailles, dans un bar au nom imprononçable. mais je finis toujours par atterrir je ne sais comment à la pyramide ou pas bien loin. la pyramide est belle, surtout avec une bière et des gens dont on ne se souviendra pas du nom le lendemain, mais qui nous ont vu pisser notre leffe derrière un arbre. la discussion avinée animée se transforme pourtant vite en tête-à-tête, de ceux qui oublient d'être pudiques. il n'y a que le chien d'un trentenaire qui ne fait pas son âge qui fait dévier la conversation parce que « il est con ce clebard » . la rediff de morandini nous réveille, et jamais la cousue du matin ne m'aura fait autant de bien, puisque réaliser d'un coup à quel point un animateur est physiquement à jeter, ça peut presque s'avérer être une petite mort.

Vendredi 22 avril 2011 à 21:27

C'était au Mans et l'estafette venait de nous déposer à la gare. On n'avait pas de sous. Enfin, assez pour un pack au franprix mais certainement pas pour le train.  adrien dormait, et nous on attendait le train quand même, et on avait ces conversations stupides sur Bill Clinton qui n'avait pas eu de relations sexuelles avec cette femme dont on ne se rappelait plus du nom.  Le mec qui nous a sauvées du trou noir avait des lunettes, et m'a balancé « c'est Lewinsky » comme si ça coulait de source, mais nous, on l'aurait embrassé. C'était à Rennes, il faisait chaud, froid, c'était en octobre ou novembre, peu importe, on était accroupies dans une cour très jolie, elle était pavée, privée, et les poubelles étaient sorties. La dame aussi est sortie, à la fenêtre juste au dessus de nous. « non mais vous vous croyez où ? » qu'elle a hurlé. Bah, à Rennes ? on est parties et notre rire lui a ricoché à la gueule. C'était à Plaudren, il était dix-huit heures et un type avec une tête de fou criait à qui voulait bien l'entendre qu'il avait six points de suture, juste là, sur le front, tu vois ? il souriait aux gens, aux chiens, aux sacs poubelles, et même à moi. Je me suis endormie dix minutes, et quand je me suis réveillée, il faisait nuit.

« c'est pas grave on est à Caen ! ». C'est ce que v. me dit un an plus tard quand je tente de baisser le son. Il est quatre heures du matin, mais puisqu'on est à Caen, les voisins s'en foutent. Ces mêmes voisins qui ont appelé la flicaille à 23h le soir de la pendaison de crémaillère. Mais danser la valse sur la bande originale de pocahontas, pour lui, ça vaut bien une amende carabinée pour nuisance sonore. Alors je me marre, au moins autant qu'eux quand ils m'appellent la parisienne. Complètement euphorique, je laisse la troupe piocher avidement dans mes miettes de tabac, et ils me regardent sans comprendre qu'un week-end chez eux, c'est leur quotidien, mais c'est mes vacances.

Lundi 28 mars 2011 à 20:12

 Cette femme, je ne l'avais même pas vue venir. j'étais bien trop occupée à scruter le vieux assis par terre, celui qui tête sa bouteille de pinard avec le même vide dans les yeux que celui d'un enfant mort né. alors quand cette quadra est arrivée, elle a envahi mon champ de vision comme une image subliminale. et pour le coup, je ne m'attendais franchement pas à ce qu'elle sorte deux sandwiches d'un sac monop' usé pour les donner au vieux bébé. Donner est un bien grand mot, puisque quand je décrirai la scène à j. le soir même, je dirai « je te jure, elle voulait faire exploser les sandwiches par terre ». fascinée de voir tout le mépris que l'on peut mettre dans une « bonne action », j'en oublie presque le vent de la fin févier. Parce qu'à vouloir à tout prix que le printemps arrive, à tenter d'influer sur la température extérieure en sortant sans manteau, il n'est pas étonnant de ressentir les sept petits degrés parisiens comme un froid arctique. Et en fait, ce qui me fait le plus mal à ce moment précis, ce n'est pas le regard reconnaissant de l'ivrogne, ni le « de rien » pincé de sa bienfaitrice, mais c'est de réaliser que la raison pour laquelle j'aime assister à ce genre de rencontres, c'est parce qu'elles sont une anecdote de plus à raconter à j. en rentrant. 

Mardi 1er mars 2011 à 21:40

Après une heure et demie de morphologie lexicale dans une salle parfumée au fauve, le mot « nicotine » clignote devant mes yeux comme une mauvaise blague. C'est donc tout naturellement que je me retrouve à aller acheter ma drogue par paquets de vingt. Mon train entre en gare, et je commence à piétiner quand la délivrance arrive avec le « suivant ! » du buraliste. C'était sans compter sur l'obscénité du bougre qui me dévisage et se permet de me demander en comptant mes pièces jaunes si le nombre de mes piercings augmente en comptant celui que j'ai -peut-être- sur la langue. Lui ayant répondu par la négative, j'attends ma monnaie en m'efforçant de rester patiente, mais mon air de « me cherche pas » ne suffit pas à rebuter le bonhomme, qui me lance un « dommage... » suggestif, suivi d'un « c'est sympa pourtant, surtout à un moment précis... ha ha ha ! » Le genre de phrase qu'on accompagne d'un « si tu vois ce que je veux dire » tonitruant et d'une œillade appuyée. Finalement, le buraliste de la gare est un peu du même acabit que ce mec qui se prend une décharge en démontant un néon dans le RER C un dimanche matin, pour épater deux gonzesses qui avaient d'autres chats à fouetter. Mais le buraliste, lui, risque bien moins que quelques volts. Il ne s'expose qu'aux regards outrés de fumeuses aux dents jaunes, peut être à une insulte ou douze, et au pire des cas à la perte de son travail, ce qu'il ne  comprendra même pas, puisque son boulot se résume à terroriser sa clientèle féminine avec des sous-entendus qui n'en sont pas.

Lundi 24 janvier 2011 à 22:35

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