gobelet

 Parce qu'il est évident que j'ai la gueule de quelqu'un qui peut taper un scandale, le serveur nous laisse avec plaisir nous installer à la table surmontée de deux majestueuses pancartes « réservé ». De notre banquette dérobée, on s'aperçoit vite que dans les pubs versaillais, les pakis n'ont aucun scrupule à tenter de refourguer leurs roses jusqu'aux tables collées aux lieux d'aisance. Si je ne fréquente que des individus bon public, c'est pour ne pas être seule à rire de mes blagues anachroniques, alors quand on est deux à pouffer dans nos demis devant l'étranger blasé, je sais que j'ai fait le bon choix.
Un demi coma dans le transilien plus tard, trois heures de transports ne sont pas de trop pour échapper à un samedi soir dans un appartement yvelinois soudainement rebaptisé non-fumeur. Et puis j'adore passer ma nuit sur un terrain vague, au milieu de chiens et de camés, sentir le feu et subir les « regarde-moi dans les yeux, regarde-moi dans l'âme » incessants d'un quadra sous acide. Le pervers notoire a le charisme d'une demi-molle mais l'obstination d'un impuissant, donc, à l'heure du burger, il est encore penché sur moi, essayant de me convaincre que je suis son âme sœur.
Trous dans le cerveau et chiot dans les bras, j'oublie la caricature de poivrot qui se vautre opiniatrement à mes pieds, et me contente de ramener de l'eau, du pain, du fromage et du courage à une j. sans poumons. À la gare, la machine est HS, banalité dominicale à nogent sur vernisson. Je voyage aux frais de la princesse, et ma non-conversation avec une myope sans abri me revenant à l'esprit, je réalise : je suis très sociable pour une mysanthrope.
 

Mercredi 19 octobre 2011 à 0:04

 Ce n'est pas que la fumée me dérange, c'est qu'il est seize heures dans le train pour paris, que le wagon est bondé et que des enfants y gambadent. c'est ce que j'explique aux sept idiots qui me dévisagent avec mépris quand je leur demande d'éteindre leur sèche. « non » est la seule réponse que j'obtiens, et comme elle vient d'un garçon manqué de plus de quatorze ans, je ne relève pas.
Bien plus tard mais dans un quartier aussi pourri, en quémandant des cousues à qui mieux mieux, j'apprends qu'une sèche, ça se dit aussi une dure, et j'en reste passablement sur le cul. sur le cul je l'étais déjà, à cause des dons divinatoires que j'ai développé pendant le week-end. il semblerait qu'à la courneuve, chaque prénom qui sorte de ma bouche se matérialise dans la journée en une personne en chair et en bière devant nos yeux éberlués. sous un moche temps, j. et la madame irma que je suis devenue faisons des listes, qu'on planque du mieux qu'on peut dans nos sacs maisons non-étanches. parce que le mec qui nous demande si c'est une liste de courses, il a bien la gueule de celui qui irait vérifier quand on aura le dos tourné. et notre dignité bien coincée entre une bouteille de cola crasseuse et un k-way dégoulinant, c'est à celle qui trouvera le plus vite le stand où les sandwiches sont à un euro.  évidemment, le stand, on l'a jamais trouvé, mais à la place on a fini paumées dans une maison avec jardin au fin fond du val de marne. on passe la nuit à se cogner dans les murs, dans les portes, dans les gens. on fait tout tomber. même nos rires se cassent la gueule dans les poires au sirop. le lendemain rien n'a changé, sauf peut-être le niveau d'ébriété de nos compagnons de fortune, qui eux, sont redescendus, nous proposent un p'tit fé-ca, et comme on n'en veut pas, nous font du thé. de notre côté on a retrouvé deux brauperles, et on les boit en pouffant très fort, on est comme les vieux, on ne s'entend pas. 
Nos hôtes nous jettent des regards en biais qui veulent dire « je regrette », et je comprends leurs gueules interdites avec une semaine de retard, puisque je me vois tirer la même quand au détour d'une portière s. me lance « t'es pas une chienne mais tu te fais passer pour pire »

 

 

Samedi 1er octobre 2011 à 16:41

 C'est que j'ai l'air con dans ce lit à sept heures du matin, occupée à ne pas dormir. la moitié de mes fringues traine par terre, l'autre est je ne sais où, parce que quand j'ai un gramme dans chaque bras je suis du genre à avoir chaud. du genre à massacrer Brel juste pour me prouver que je connais les paroles par coeur, comme quand j'avais huit ans et que dans la voiture familiale je chantais Véronique Sanson en yaourt parce que connaître à la perfection toutes les chansons du monde me paraissait absolument indispensable. le genre de fille qui arrive en cours avec des yeux loin de tromper la chargée de TD sur la nature de la nuit que son étudiante a passé. « il faut dormir la nuit mademoiselle ». plus que huit mois à tenir. 

Lundi 12 septembre 2011 à 11:14

C'était une de ces soirées qui commence et finit mal, une de celles auxquelles on va en sachant pertinemment qu'on ferait mieux de rentrer chez soi par le train de 22 heures au lieu de prendre le RER C pour Saint Michel. Le mec que je rencontre sur les quais est grand et moche, et qu'il porte le nom d'un chat décédé ne le fait même pas rire, je trouve ça dommage - encore un con qui s'ignore celui-là. Mais comme il m'offre un blue lagoon à quinze balles dans un troquet où une fille joue brel au piano, j'oublie qu'il n'est pas drôle et je sirote ma liqueur bleue avec la même énergie qu'une gamine hyperactive. Je me moque bien de ce grand dadais, puisque bientôt, je pars en vacances.

Quelques semaines plus tard, au fin fond de la forêt de janas, on est tous persuadés que le volley de 18 heures éliminera tout ce qu'on s'est enfilé de crêpes au nutella dans la semaine. mais comme le plus clair de notre temps sur le terrain, on le passe à parier cent balles et un mars sur l'issue du prochain match, on finira tous les vacances avec trois kilos en plus. La terrasse du bar est toujours sale le matin, dit le préposé de l'entretien, dégoûté de voir que certains font la fête et laissent trainer leurs bouchons de rosés, témoins de la célébration d'un anniversaire ou d'un dernier verre. C'est lui qui nettoie, et il n'est jamais invité à la fête. il faut dire que quand on a pas de dents et qu'on sourit de manière ostentatoire, les chances d'être pris pour un pervers polymorphe augmentent considérablement. c'est encore lui qui fuit son mobil-home dans la nuit pour passer sa rage en nettoyant les sanitaires, parce que ses voisins de chambrée sont trop bruyants, et qui me maudit en silence quand à peine capable d'aligner deux mots, j'arrive à articuler un « je peux finir le saumon ? ». comme il est moche, il se sent obligé de dire oui, et c'est sans un merci que j'engloutirai le précieux poisson. à l'heure du départ qui arrive trop tôt, leurs tentatives puériles pour m'extorquer une larme sur le quai ne me font pas perdre le sourire que je garde depuis ce matin où les pains au chocolat tendus sous mon nez me réveillent. sous le signe du v(entre).  

Jeudi 18 août 2011 à 0:50

Le gamin à lunettes en haut de l'escalator, je l'ai repéré il y a cinquante mètres. il le remonte à l'envers, avec toute la conviction d'un enfant autiste. Comme jusqu'au dernier moment, je reste persuadée qu'il souffre du syndrome d'asperger, je ne m'énerve pas quand il arrive en haut de ce qui semble être son Everest personnel et qu'il me toise sans s'écarter. Sauf que l'humain en devenir n'est pas plus autiste que moi, il a juste décidé de faire chier les gens. sa validité flagrante me pousse presque à lui foutre un coup de coude dans la tête, mais il me regarde et me déclame « mot de passe ? » avec un sourire grand comme le monde. cette extravagance me coupe la chique, et alors que le marmot myope s'écarte en lançant un « j'rigole ! » tonitruant, la nostalgie de mes huit ans me tombe dessus et me fait aussi mal que le vide de mon frigo.
le lendemain, Paris est la destination dernier cri des centres aérés, et quand on voit un pigeon picorer la tête d'un de ses congénères décédés, et une coupe au bol sur pattes trouver ça drôle, j'oublie qu'avoir huit ans, c'était agréable, et avec j. on est pas loin de le montrer du doigt en criant : « assassin ! »

Samedi 18 juin 2011 à 14:49

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